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Marionnettes... Il y en a de grandes, à taille humaine, telles celles dont joue en ce moment même Neville Tranter au TNT dans Schicklgruber, alias Adolf Hitler. De petites, voire minuscules, auxquelles une modeste table suffit pour déployer leur existence temporaire. Elles sont à gaine, à fils, à tiges à doigts ou rien du tout. Elles ne sont parfois même pas marionnettes, mais simples objets auxquels la seule manipulation confère non seulement mouvement, mais caractère et émotions – qu'on pense à Ubu sur la table, lors du dernier festival Marionnettissimo, entièrement joué d'ustensiles culinaires. Une magie, si l'on y pense, que ces vies éphémères nées de la main ; une illusion merveilleuse qui, réussie, ravit l'adulte aussi facilement que l'enfant et dont on trouvera une nouvelle illustration dans Fragile, du Clan des Songes, de retour dans nos parages au même TNT.

Il était un petit homme...
Il serait une fois un petit homme sans plus de signes particuliers qu'on petit chapeau rouge, de petites chaussures rouges et une grosse valise rouge. Enfin, pas si grosse la valise, mais plus lourde qu'il n'y paraît s'il faut en croire les efforts qu'il déploie pour la traîner avec lui. Et le petit homme marche, en crabe, le pas large et rythmé frappant en silence la ligne qu'il suit. Horizontale. Sans fin.
Pas si facile d'aller. Il y a le vent – contraire, inévitablement – les trucs qui se collent aux semelles, il y a la fatigue et l'essoufflement et les articulations qui grincent et craquent au moment du repos. Mais il y a surtout les pièges de la route, cette fichue ligne comme douée d'une vie propre et, disons-le, d'un caractère un tantinet facétieux. Qui joue les bascules, les monts et les creux, ondoie serpentine comme vagues en tempête. Ici élastique, là interrompue, ailleurs suspendue, pliable, rotative. Habitée, mais si, par toute une faune étrange de papillons réduits au profil de leurs ailes, de jambes galopeuses dénuées de corps, d'éléphants miniatures et de grenouilles anguleuses. Aménagée d'un unique panneau de signalisation, achevée sur une maigre forêt de crosses de fougères.
Eh oui, achevée. Comme ça, tout à trac, sur une ultime course bondissante. Car si la ligne est infinie, toute route a son bout : une maison, par exemple, chez-soi où arriver enfin. Entrer. Allumer les lumières et le feu dans la cheminée. Volutes dansantes dans la nuit calme. Noir.

Un tout de trois fois rien
On ne saurait donc imaginer plus minimaliste que l'argument de Fragile, non-histoire d'un petit homme qui, finalement, ne faisait que rentrer chez lui. Mais ce minimalisme porte d'autant plus d'exigences que seules comptent non les péripéties du voyage, mais l'atmosphère, l'émotion, la puissance d'évocation qui s'y rattachent.
Réussite indéniable que ce tout fait de trois fois rien, à la manipulation impeccable dans sa très illusoire facilité. Le plus grand, plus ou moins pétri de références, y trouvera à tort ou à raison bien des allusions visuelles. A commencer par le souvenir de Linea, le très gueulard bonhomme né d'un trait unique et animé par Osvaldo Cavandoli, mais encore un absurde de dessin animé digne d'un Tex Avery frappé par le goût de la poésie, l'image de Mowgli marchant cul en l'air derrière les éléphants du Livre de la Jungle et quelques autres, sans oublier les facéties d'une bande-son bien troussée.
Nul besoin, toutefois, de chercher si loin pour y prendre le même plaisir que le bambin. Seuement de se laisser porter par l'humour absurde d'un monde féerique où la métaphore devient réalité, attendre la surprise du prochain mouvement de la ligne, goûter la poésie simple et douce de ce périple sans périls où tous les obstacle seront franchis, les petites peurs vite apaisées et les rires nourris à la cuiller de l'émerveillement. Il suffit de suivre la ligne...

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